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Hey girl !

mise en scène Roméo Castellucci

: Propos de Romeo Castellucci

Le théâtre ne doit pas être une restitution mais une rencontre avec des figures inconnues qui trouvent un écho en chacun de nous.


Mon mouvement part d’une amnésie essentielle tant du théâtre que de l’immense archive du geste occidental. Tout à inventer. Tout à voir. Croire complètement et à fond au théâtre ; est-ce possible ?
Hey girl ! sera un travail sur le mouvement. Spectacle sans contenu sinon celui, inconnu, que tout geste en réalité révèle chaque fois qu’on l’effectue. Une trace dans l’air, une voie dans l’ouvert.
Existe-t-il une histoire du geste ? Les gestes, qui tracent des points dans l’espace, sont-ils en mesure de s’accorder avec le temps ? Sont-ils en mesure de pénétrer dans la durée, c’est-à-dire dans ce règne où rien ne se laisse plus fixer ni mesurer, parce que toute chose se meut en engendrant continuellement de la nouveauté ? Le geste répété, comme emprisonné en soi-même, apparaît comme étant l’essence du geste, lequel ne renvoie à rien d’autre qu’à la trajectoire de son propre poids. Le geste répété paraît annuler le domaine rectiligne qui voit à ses deux extrémités début et fin ; il paraît vaincre l’ordre naturel des choses, l’ordre spatial du temps.
Hey girl ! est linéaire, plan, pareil au parcours d’un fleuve dans une plaine descendant vers la mer ; mais en cette mer tout son contenu va se perdre, devient méconnaissable, n’est plus. C’est comme si une représentation était jouée à fond. Rien qui renvoie à autre chose qu’au geste nu et à son évaporation.
Représenter le monde seulement avec ce que l’on a, quand on n’a rien, quand on ne doit rien avoir, maintenant, sinon soi-même, seul.
Une jeune femme décide, pour la première fois, comment est le monde. C’est une personne nouvelle, aux prises avec sa propre nouveauté singulière. La solitude, ici, n’est pas un sujet, mais regarde chaque geste. Chaque geste est nouveau, seul, assené puis confié à l’immense dépôt de toutes les choses sans trace.
Est-il possible de créer une histoire sans traces ? C’est-à-dire, uniquement avec des gestes nouveaux ?
Une jeune femme court dans un circuit où gymnastique et agonie condensent le maximum de pathos et le minimum d’expression ; où l’intime est répandu entièrement à l’extérieur et où l’aspect extérieur est impénétrable comme l’âme.


Est-ce le spectacle qui regarde le spectateur ? Ou peut-être le regard du spectateur qui se courbe jusqu’à voir sa propre nuque ; jusqu’à se voir, seul et de dos, dans la salle de ce théâtre. La personne nue, sous le regard de tous, c’est justement lui, le spectateur. La honte – la sensation intime –, convoquée et mise en cause en toute représentation, aura toujours été la sienne.

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