: Un théâtre sans théâtre
par Thierry Bordereau
Un faux spectateur entre sur le plateau pour nous raconter de quoi son corps
est fait, puis un groupe, une meute de faux spectateurs encore, intervient pour
contester ce que dit le premier : comment l’anatomie peut-elle rendre
compte du mystère de l’homme ? Et les questions alors de s’enchaîner sur tous les
modes de jeux, acteurs et spectateurs réunis ; tous s’interrogent sur ce que nous
sommes, sur ce que nous faisons les uns et les autres, les uns avec les autres :
Comment nous nous accouplons ? Comment nous travaillons ensemble ? De quoi
avons-nous besoin ? De quoi voudrait-on voir le théâtre rempli ?…
Pas de décors, pas de folklore de théâtre, pas de colonne dorique, de faux
décorum, tout doit donner l’illusion aux spectateurs que les acteurs n’en sont pas,
que ce sont des spectateurs comme eux, des gens parmi nous, simplement un peu
plus grande gueule et qui ont osé prendre la parole. Ce soir la pièce n’a pas lieu,
c’est un autre théâtre que l’on va vivre, un théâtre vrai, un théâtre qui s’inquiète de
notre vivre ensemble, un théâtre citoyen. Mais bien évidemment les spectateurs
–les vrais– ne sont pas dupes. Cette situation de happening politique, cette
situation d’une communauté réunie autour de préoccupations communes sans en
passer par la fiction, ce rêve de théâtre public radical est encore une fiction, même
si elle se déguise. Qui pourrait oublier qu’il est au théâtre… au théâtre ?
Bref tout cela est un jeu ou encore… une représentation. Mais qu’est-ce que tout
cela révèle ? Qu’est ce qui se dévoile sous les yeux des spectateurs ? Notre monde
contemporain, dans toutes ses dimensions, avec un souci d’exhaustivité unique :
tout y passe, le travail, la vie sociale, la société de consommation, nos mythologies
contemporaines, Marguerite Duras et notre relation à l’autre…
Alors tout le monde entre dans la connivence et le spectacle qui prétend faire
table rase de toute représentation se retourne et presque paradoxalement se met
à jouer de toutes les conventions avec une légèreté insensée pour montrer un état
de notre monde. Les situations s’enchaînent et se mettent à tournoyer les unes
avec les autres, se mettent en abîme les unes dans les autres à grande vitesse. Le
monde, tout le monde est convié à un grand banquet théâtral, emporté dans un
grand mouvement jubilatoire, un art du jeu, un art de la relation.
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