Il s'agit de deux textes qui peuvent former un diptyque, bien que l'un ne soit pas nécessaire à la compréhension de l'autre. Le mode d'écriture est similaire cependant, et les enjeux dramatiques, équivalents. Les deux pièces sont en regard: la première semble surgie d'une mémoire qu'on cherche à retrouver, la seconde se projette dans une fictionréalité à venir.
Sur le rythme syncopé et brutal d'un morceau de Scat, ces courtes pièces en forme de dialogue se construisent sur l'alternance entre le mode du caustique et celui de la sauvagerie tant dans les concepts et thèmes convoqués que dans l'écriture. Le texte procède au coup par coup, se tisse comme par improvisation. L'histoire - - le monde- - , dans chacun des cas, se crée sur des coups de tête, au fur et à mesure qu'elle est prononcée par les personnages qui l'inventent en choisissant toujours la branche la plus extrême de l'alternative. Il s'agit de faire prendre corps à une parole qui se cherche, comme à tâtons, à une parole qui sans cesse menace de s'éteindre à défaut de trouver le mot juste. Les personnages élaborent une langue qui tente de cerner la vie au plus près.
Leurs seuls actes sont des actes de parole. Habitées par la mort, ces deux pièces explorent l'enfermement tragique de l'homme moderne sur le mode burlesque. A la fois ludiques et tragiques, ancrées dans la dérision aussi bien que dans l'abjection, ces pièces en disent long sur la difficulté qu'il y a à cerner la complexité du monde contemporain. Dans ces formes courtes, pas de véritable intrigue, pas de véritable fil conducteur si ce n'est la violence du monde, inévitable, infaillible, qui constamment fait irruption et rend nécessaire le dépassement de la forme tragique.

Élisabeth Angel-Perez et Marc Paquien