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Dialogue d'exilés

mise en scène Olivier Mellor

: Note d'intention

l’aube de l’an 2000, en 1999 exactement, fraîchement émoulu de l’Ensatt et perdu dans le Cosmos de cette même année, j’ai commis non sans mal l’acte premier qui devait conduire la Compagnie du Berger sur les chemins parfois tortueux du professionnalisme…
Elisabeth Chailloux et le Théâtre des Quartiers d’Ivry venaient de m’embaucher pour trois ans, me tirant du même coup de l’angoisse et du vide astral que chaque jeune comédien (même formé dans une école nationale par les meilleurs professeurs) peut (doit ?) ressentir au sortir de son apprentissage quand il se lance comme tout le monde dans la « vie active ».
Bref, en 1999, alors que je jouais le milliardaire Harder dans UNE LUNE POUR LES DÉSHÉRITÉS d’Eugene O’Neill à Ivry et en tournée dans toute la France de plus de cents dates, j’avais aussi le temps (je n’avais qu’une scène dans ce spectacle) de poser les bases de ma réflexion sur ce qui tiraille notre esprit (et celui de nos mères) : l’avenir. La Compagnie du Berger existait déjà depuis un lustre, où nous avons écumé quelques festivals amateurs et autres salles des fêtes picardes, avec des spectacles parfois approximatifs mais toujours enthousiastes.
Donc à ce moment-là, sur les bancs de la salle de l’Ermitage à Paris, espace de répétitions bien connu du « subventionné », quand je ne regardais pas mes partenaires comme Gérard Watkins ou Prunella Rivière travailler, je me suis pris à voler des feuilles A4 vierges dans la photocopieuse et à commencer à les noircir d’une prose et d’idées qui allaient devenir ma première pièce, et surtout le premier « opus professionnel » de la compagnie, JE SUIS UN PEU LÂCHE (COMME TOUT LE MONDE).
C’est Elisabeth qui l’a lu la première, suivie de près par Alain Knapp, mon cher professeur à l’Ensatt (je lui avais très fébrilement envoyé…)
La réaction d’Elisabeth Chailloux fut au-delà de mon espérance puisqu’elle organisa, dans la petite salle du Théâtre des Quartiers d’Ivry – Antoine Vitez (rien que ça !) une lecture où je rencontrai quelques sommités comme le directeur du Lavoir Moderne Parisien où plus tard nous allions plus tard jouer cette pièce…


Alain Knapp ne fut pas moins « dithyrambique » et aimant puisque spontanément il écrivit la préface de mon texte qui parut moins de trois mois après aux éditions « théâtre d’hier et d’aujourd’hui » : tout un programme…
Avec quelques anciens élèves de ma classe à l’Ensatt qui sont encore là comme Marie-Béatrice Dardenne, Adrien Michaux ou Denis Verbecelte, et quelques vieux amis chers à mon coeur qui sont eux aussi toujours présents comme Benoît André (qui dirige avec moi la Compagnie du Berger), nous avons joué JE SUIS UN PEU LÂCHE (COMME TOUT LE MONDE) en tout 12 fois, et posé l’acte fondateur de la compagnie.


Quelques années plus tard, entre l’Escalier du Rire à Albert et le début de notre implantation en Baie de Somme, je me suis remis à l’écriture avec LA RETAPE, que nous avons joué 37 fois (ce qui est toujours notre record absolu !).
Depuis, plus rien. Plus vraiment l’envie d’écrire.
Mais nous avons abordé toutes les écritures et tous les genres ou presque, en montant Pinter, David Mamet, Pirandello, Feydeau, Jules Romains, Edmond Rostand, Maupassant, Poe, Dickens ou Pierre Garnier…
La Compagnie du Berger aura vingt ans en 2012. Le bel âge, sinon celui de raison. Car il nous appartient plus que jamais de continuer de mener un travail qui flirtent à la fois avec nos envies et le respect nécessaire à apporter à nos partenaires et au public, et dans le fond à nous-mêmes. Le paysage culturel a changé, mais sans être tout à fait encore des « petits jeunes » nous restons à mon sens en marge d’un certain conformisme ambiant qui tend pour les uns à s’adapter, pour les autres à disparaître. Nous avons à nos côtés des amis, des collègues, et depuis deux saisons et quelques poussières la chance d’être accompagnés et aidés par la Comédie de Picardie, scène conventionnée.
Avec Nicolas Auvray et son équipe, nous échangeons sans cesse en pensant à l’immédiat et au long terme, et c’est parfois difficile.


Un jour de mai 2009, j’étais en compagnie de Benoît André et Nicolas Auvray, dans le petit bureau de ce dernier. Entre autres considérations d’importance, puisque c’est ce jour qu’il nous a proposé d’être « artiste associé » pour deux saisons dans son théâtre (on a dit oui plutôt tout de suite), Nicolas m’avait demandé pourquoi je n’écrivais plus ? Ou peut-être pourquoi je ne pouvais pas être aussi drôle et efficace sur scène qu’en fin de soirée ?...
Je me souviens très bien lui avoir répondu exactement la même chose qu’à Alain Knapp, qui m’avait posé la même question quelques années plus tôt :


« - pourquoi tu n’écris plus ?
- Parce que Brecht écrit mieux que moi. »


Au-delà de la pirouette d’usage, il y a tout de même beaucoup de moi dans cette laconique réponse. C’est tout un questionnement autour du théâtre contemporain et du théâtre dit « classique » qui se pose dans ce court échange. J’ai tout appris d’Alain Knapp : bouger, dire, lire un texte, respecter son auteur. Lui-même écrit. Mais surtout il nous a tous formés, initiés aux grands textes : Marivaux, Molière, Lars Noren, Vinaver, … mais surtout Bertolt Brecht.


Je peux dire sans trop m’avancer qu’avec Knapp on a bouffé du Brecht, presque tout Brecht, sa vie, son oeuvre, pendant trois ans. Nous avons surtout monté en fin de cursus L’OPERA DE QUAT’SOUS, dans lequel je jouais Mackie (d’ailleurs, merci du cadeau, je m’en rends compte chaque jour), et que nous avons joué à l’Opéra National de Lyon en et en tournée.


Brecht…
Alain Knapp et Bertolt Brecht…


Depuis, mon attirance pour Brecht, qui se mêle aussi à une certaine crainte, est intacte. Mais totalement inefficiente aussi…


C’est alors que Nicolas Auvray entre en scène. Depuis quelques temps déjà, ils étaient plusieurs (Benoît André en tête) à m’asticoter pour qu’on monte du Brecht… Seulement voilà : modestement, Brecht, je connais.
Je connais le degré d’exigence que demandent Brecht et son écriture : un subtil mélange de sincérité brute et de symbolisme, un jeu codifié mais qui doit tout inventer, un propos politique et brutal mais qui n’oublie jamais la dimension de divertissement puisqu’il se joue loin des bureaucraties, sur scène, devant un public.


Nicolas Auvray, à force de conseils, aura eu raison de mes derniers retranchements. Nous allons donc monter DIALOGUES D’EXILÉS.


DIALOGUES D’EXILÉS est un texte méconnu de Brecht : radical, original, dialectique. Il contient pourtant toute l’essence de l’écrivain, et s’avère utile si l’on veut parler de Brecht au public. Au plus près du premier rang, DIALOGUES D’EXILÉS raconte l’Allemagne lointaine de Brecht, alors qu’il séjourne, en exil, à New-York.
La nostalgie Kamarade ? Pas seulement…

Olivier Mellor

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