Par l’allongement de l’espérance de vie, ma génération devient adulte aux côtés de ses grands-parents. Dans cette nouvelle structure familiale, qu’est ce qui nous lie? La responsabilité, le devoir, la culpabilité, l’obligation morale, la solidarité, la complicité, l’échange, l’amour...?
Je cherche à explorer ce lien intergénérationnel, ce relai à passer, cet accompagnement à double sens, même quand l’âge devient une difficulté, la lignée, le cycle.
J’ai proposé à Pierre Notte une création pour ces deux comédiennes, pour deux personnages, une grand- mère et sa petite fille d’une vingtaine d’années.
Depuis une quinzaine d’années, Pierre Notte écrit sur la famille et ses dérèglements. Les récurrences de son écriture sont les désordres et les désastres de l’univers familial, les conflits de générations, le repli sur soi, l’identité en crise et le besoin d’exister. Il porte un regard vif et incisif sur ces liens familiaux forts et troublants, avec l’humour grinçant qui caractérise son écriture.
J’ai rencontré Pierre à l’été 2011. Je lui ai parlé de l’accompagnement, de la tendresse et de la juste place à trouver, de berceuses, de gestes anodins, de la féminité à chaque âge. Je lui ai parlé des lignées de femmes et des histoires dont nous sommes dépositaires. Je lui ai parlé de mes grand-mères et de mes amies.

En janvier 2012, j’ai reçu Demain dès l’aube. S’en ait suivi de nombreuses lectures, et l’équipe s’est constituée comme évidence, tout comme le travail que nous avons amorcé autour de ce texte, avec une même exigence de l’artisanat de l’acteur.
Demain dès l’aube est une pièce vive et touchante. Pierre a su trouvé dans des détails la relation intime de ces deux femmes, dans leur amour inconditionnel et dans leur dureté.
Il n’y a pas de fil chronologique et, comme dans un scénario de Lynch, nous sommes embarqués de scènes en scènes dans des espaces-temps parallèles… le temps de la solitude où la jeune femme convoque le fantôme de sa grand-mère, les flash back d’instants vécus à deux et la bulle entre deux mondes, vers l’acceptation du deuil.
De cette proposition touchant au fantastique, nous voulons créer un espace où le jeu, l’imaginaire et l’invention repoussent (un peu) l’inéluctable, un sas entre la vie et la mort qui offre de tout réinterpréter, de tout réinventer…

Noémie Rosenblatt