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Babette

+ d'infos sur le texte de Philippe Minyana
mise en scène Jacques David

: Les Abandonnés de Dieu

Par Jacques David

Assis à la terrasse d’un café, il y a quelques années, Philippe Minyana me dit : « regarde ces gens qui passent, ce serait bien qu’ils soient dans notre spectacle ».


Il y avait en face de nous de l’autre coté de la rue un long mur. Devant le mur un trottoir. Et sur le trottoir des gens qui passent, sans plus d’importance que les gens qui passent sur le trottoir d’une ville.


Je n’ai rien répondu. Un peu glacé et surpris par une telle remarque. Comment un tableau si banal et sans théâtralité particulière avait pu retenir son attention. Mais au fil du temps cette image s’est fortifiée dans ma mémoire comme la base possible d’une œuvre. Un tableau de Bacon, un film de Buster Keaton, ou une page de Beckett.


C’est alors qu’a surgi de ce mur d’en face ce texte BABETTE. A la lecture du texte la coquille du banal s’est brisée laissant s’échapper un torrent de lumière qui, abandonné de Dieu, semblait n’être qu’un tas de vêtements sans corps mais porteur de nos voix intérieures.


C’est que le banal renferme en lui le bruit de monde. Il renferme cette multitude qui sent le crottin, à l’aspect d’images saintes qui se meuvent en amours fous, en fantômes des brumes, en chemin d’histoires sans fin.


Babette n’a rien à première vue d’une héroïne de théâtre. Mais cependant elle est la Reine de la supérette. Elle est la Reine de cette journée, où trois générations se croisent dans un passé qui s’éteint, un futur qui renaît, au cœur d’un présent qui raisonne des voix de ceux qui au loin se sont tus.


Ils sont toujours là avec nous les abandonnés de Dieu, ils sont notre inspiration. Il suffît de les regarder. Il faut tendre l’oreille pour les entendre, et cependant ils ne sont pas là. Ils sont sur les murs, ils passent sur les trottoirs, ils habitent dans la forêt, ils ornent parfois les peintures de nos grands maîtres. Ils nous font vivre nos cauchemars et rêver notre vie.


Babette est sur un trône devant un papier peint qu’il faut remplacer, mais qui ne le sera pas, dans lequel se cache ou pas, une multitude de hauts parleurs tout aussi différents les uns que les autres, et qui reprendront chacun à leur tour, dans un désordre soigné, les paroles de Babette comme une symphonie de mots.


Comme souvent chez Philippe Minyana la narration est un prétexte à nous conduire là où le théâtre se joue de lui même, là où il se défait pour se reconstruire avec effraction comme littérature.


La mise en scène aura cette exigence de montrer le bruit du monde (!), cette grande histoire qui nous habite et qui nous mène souvent en aveugle dans les maisons, à la lisière des forêts, là où se murmure l’innocence des drames.


  • Jacques David
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