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Angels in America

mise en scène Arnaud Desplechin

: Choisir de monter "Angels in América"

Adresse aux acteurs par Arnaud Desplechin (1)

« ... Tony Kushner. Juif, homosexuel et marxiste. » C’est ainsi que l’auteur d’Angels in America entrait en matière, lorsqu’il se présentait à Pierre Laville, qui signe ici le texte français de sa pièce.
J’ai vu les Angels in America en 1996, je crois, au théâtre d’Aubervilliers,un dimanche – la création à Avignon datait de 1994. Où fut représenté Le Millenium approche.
La mise en scène était de Brigitte Jaques-Wajeman, et j’ai été ébloui. Le temps a passé, j’ai découvert en DVD américain l’adaptation de Mike Nichols et écrite par Tony Kushner, que j’ai aimée un temps. Aujourd’hui, cette version télévisuelle ne compte plus pour moi, mais la mémoire de la mise en scène de Brigitte reste toujours aussi vivante, choquante,enthousiasmante.
Je vous disais : le temps a passé. Mais la pièce restait tapie dans mon esprit.


Kushner avait 30 ans quand il a écrit Le Millenium approche.
C’est la première de ses pièces qui rencontrera un succès aussi phénoménal. Dans la foulée, lui est passé commande d’écrire la suite, et c’est Perestroïka, qui fut écrite dans la fièvre en 1989 et montée en 1992.
Ce n’est pas pour autant une pièce de jeune homme. Je fus même étonné de voir combien Kushner avait écrit de pièces inconnues ici, en France, avant le triomphe des Angels. François Regnault rappelle aussi qu’un des travaux de Kushner fut l’adaptation en américain de L’Illusion comique, et je lis partout dans Angels in America le goût des mises en abyme, d’une magie théâtrale, du théâtre vu comme une grotte, soit :un éloge du songe, qui vient aussi du travail de Kushner sur Corneille...


Les années ont passé, et un jour, Trump a été élu.
Comme bien des aveugles, j’avais eu la folie de ne pas croire en cette élection. Je ne croyais pas plus à la victoire d’Hillary Clinton. Mais enfin,le succès de Trump, quand même, je n’y croyais pas. À ce point que la veille au soir, j’avais promis à mon fils inquiet – il avait 9 ans – que bien sûr, Trump perdrait ces élections. Au matin, je devais lui annoncer au petit-déjeuner que les adultes ont parfois tort. Un ami américain m’avait écrit dans la nuit : « this is a great opportunity to learn ». Et j’essayais de traduire ces mots rassurants à mon fils...


Je crois que c’est ce jour-là, ce matin-là, que le projet de revenir visiter les Angelsest né.
Qu’est-ce qu’il reste des combats d’hier ? Éclairent-ils les combats d’aujourd’hui ?
Hier, Reagan avait été élu. Aujourd’hui Trump, après les années Obama.L’histoire est bien étrange. Que faire de cette étrangeté ? Du théâtre, bien sûr.


À Aubervilliers, j’avais vu une pièce si joyeusement scandaleuse, j’avais été emporté par sa puissance de subversion.
Et l’idée d’apporter cette subversion sur la scène Richelieu, au cœur deParis, dans le théâtre de Molière, aujourd’hui, je trouvais cela parfait.J’ai relu le texte de Kushner. Mon appétit était intact. Et le désir d’une adaptation pour votre scène m’est arrivé.


Sur Père, j’ai traversé une crise de légitimité vivifiante. Qu’est-ce qui m’autorisait à venir visiter le théâtre ? Je m’en sortais avec un nom et un seul : Bergman, Ingmar. Ce nom venait éclairer Strindberg.
Bien sûr, je n’aurai jamais votre savoir de théâtre, mais moi, j’avais assez vu les films de Bergman pour venir offrir aux acteurs mon savoir cinéphile en échange.Qu’est-ce qui, aujourd’hui, vient m’autoriser, devant vous, à venir diriger cette pièce-monde ?
Cela tient en un mot : l’impureté. Parmi les phrases fétiches d’André Bazin, le théoricien du cinéma, créateur des Cahiers du cinéma, il y a celle-ci qui m’a marqué à vie : « le cinéma est un art impur ».


Et c’est l’impureté de la poétique de Kushner dont je suis absolument fou. Ici, plus de différence entre le noble et le populaire, l’art le plus haut ou le plus trivial.Oui, les Angels sont un mélange détonnant, avec un œil sur Shakespeare,un autre sur les sagas des O’Neil, un troisième œil sur le boulevard – La Cage aux folles est citée dès la scène 2. Un œil essentiel, le quatrième, reste rivé sur Brecht. Je vous ai déjà parlé de Corneille, j’ai évoqué les triangles amoureux de Marivaux. Mais je pense aussi aux séries télé, et aux films de cinéma. Prior, se maquillant, cite Sunset Boulevard de Billy Wilder, avec Gloria Swanson...
C’est comme si la pièce venait faire concurrence au cinéma ! « Ah, le cinéma sait tout représenter ? Eh bien, les planches le peuvent aussi. »


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janvier 2020

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