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21 rue des Sources

+ d'infos sur le texte de Philippe Minyana
mise en scène Philippe Minyana

: Entretiens avec Philippe Minyana

Propos recueillis par Pierre Notte

21 rue des Sources, c’est le personnage principal ? Ou juste une adresse ?


21 rue des Sources, c’était mon adresse quand j’étais jeune. Une maison en Franche-Comté. Et cette maison grande, inconfortable, hante tout mon travail théâtral. C’est l’endroit de tous les drames, de toutes les « farces » familiales. J’y reviens toujours. Même si je suis parisien depuis presque quarante ans, j’y vis encore de temps en temps ! La mémoire a adouci les choses insupportables ; la poésie a pris le relais. Dans ma pièce 21 rue des Sources ; l’histoire de cette maison et de ses alentours prend l’allure d’une épopée burlesque. Le théâtre transfigure les lieux ; l’épicerie qui prenait beaucoup de place devient une grotte « goldonesque  ». Et ces chambres froides, ces greniers, ces caves, ces prés alentour, ces jardins me permettent le plaisir de l’évocation, la joie de la reconstitution, la permission de fantasmer  « la maison de l’enfance  ». Le lieu a engendré la Légende.


Quel a été le déclic ? Qu’est-ce qui vous a poussé à vous emparer de ce lieu ?


Il me prend toujours l’envie d’écrire pour des acteurs. Et l’énergie de l’écriture me renvoie souvent à la « matrice » fictionnelle : l’Histoire familiale qui est comme toutes les histoires familiales, complexe et violente. Il y a matière à faire théâtre. Restitution et déformation. L’écriture impose ses lois secrètes. Ne pas faire de l’autobiographie. Ne pas verser dans le sentimentalisme, dans le couplet nostalgique. On écrit du théâtre, c’est une démarche artistique, roborative, sonore, variée qui a ses lois, ses exigences. Sur le plateau de répétition, puisque je mets en scène, je n’hésite pas couper dans le texte. C’est un spectacle qu’on fabrique, pas une confidence. J’aime les acteurs, j’écris pour ces acteurs-là, je leur propose un paysage à traverser; une partition à exécuter. Le déclic de l’écriture, c’est ça ; des acteurs dans un théâtre.


Quel sera le cheminement, le projet de la mise en scène ? Votre priorité ?


La mise en scène de 21 rue des Sources est en fait la célébration d’un mariage entre un texte, des acteurs, un pianiste et un magicien. À chacun de composer une partie du « tableau ». Il n’y a pas de décor ; il y a une scénographie lumière, aucun lieu évoqué ne sera représenté. Il y aura l’espace de la scène où les miracles sont possibles. On dira  « le salon  » et c’est le centre du plateau vide. On dira  « la cuisine  » et c’est le même espace. Une plante frémira ; un lampadaire s’envolera. Même dans les drames, il y a un clown qui se manifeste. J’aime qu’on rit au théâtre. Ce spectacle sera moins une reconstitution de la vie d’une habitation, qu’une déclaration d’amour au théâtre. C’est un jeu ; une comédie, une bande d’artistes, c’est un cirque. Deux fantômes errent dans une maison vide et se remémorent. Avec un tel dispositif, on ne peut que fréquenter la fantaisie ! L’humour est un masque intéressant. Et les mots toujours, veillent, font du bruit, nous entraînent, nous convoquent.


Vous aimez les fantômes, les faire parler. Vous pensez que les vivants peuvent se réconcilier avec leurs morts ?


Vous aimez les fantômes, les faire parler. Vous pensez que les vivants peuvent se réconcilier avec leurs morts ? Au-delà de la  « féerie  », au-delà de la  « petite folie  » du spectacle, on entend une Histoire vraie. De 1930, date de sa construction à 1980, date de la vente de la maison ; elle est le témoin de ce qu’on appelle  « les Trente Glorieuses  » ; l’usine proche à fonctionnement paternaliste transformera le paysage ; de bourgade rurale, il devient une fausse ville ; un repère de bagnoles ; le lieu de la consommation ; et notre épicerie survivra coûte que coûte jusqu’à sa disparition. Mère et grand-mère, les épicières, disparaîtront, elles aussi dans la douleur. Et ces vieilles mortes me hantent, ne me laissent pas en paix. Et je me demande si ce n’est aussi, à cause d’elles, que j’écris ? Pour me réconcilier ? Pour les garder en moi ? Elles sont souvent la source de mes créations. J’ai  « mes mortes » comme on a « des biens » je les fréquente sans cesse. Je leur dois quelque chose. Elles sont mon tourment ; elles sont mes alliées. On dit que rien ne s’écrit sans l’idée de la mort. C’est sans doute vrai. Je n’en ai pas fini avec elles. Elles me regardent et je les écoute.


Pour vous, s’agit-il d’un portrait, d’un conte, d’une fable ? Ou d’une sismographie d’un temps ?


La pièce telle que je voudrais qu’elle apparaisse, serait une fable ; comment une société évolue au cours des années. Le lieu évoqué étant le miroir de cette évolution. Et comment cette histoire déjà ancienne est tout à fait universelle. Après les maisons, les HLM. Après les frondaisons, les parkings. Après l’épicerie de quartier, les supérettes. Il était une fois dans la maison de mon enfance... La fable est connue, elle parle à tout le monde. L’évocation a le charme du conte, de la fable donc. La maison hantée, c’est un rêve. Je livre ma légende personnelle. Et l’aveu, il me semble, est joyeux. Le plaisir d’écrire est visible. J’écris des fables, des contes pour adultes, des pièces de théâtre avec « figures ». Des récits multiples ; des chants à dire, à fredonner. Le musicien joue du piano ; le magicien fait de la magie et les acteurs s’accordent. Les mots, les musiques, les apparitions et nous entrons dans la Maison. Nous y voilà.


Propos recueillis par Pierre Notte pour e Thééâtre du Rond-Point

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