theatre-contemporain.net artcena.fr

Les Troyennes

+ d'infos sur l'adaptation de Coralie Pradet ,
mise en scène Coralie Pradet

: Présentation

LA PIÈCE


« Dieux, si vous nous aviez engloutis en refermant le sol sur nous, nous aurions disparu, sans poème pour nous célébrer et sans servir d’exemple aux mortels futurs » (Hécube)


Les Troyennes est une pièce sur la guerre, une pièce de circonstance puisque Euripide y dénonçait les exactions commises pendant la guerre du Péloponnèse et notamment la prise de Mélos, durant laquelle les Grecs redoublent de raffinement dans l’invention des tortures et des violences exercées sur les vaincus.


Euripide opère un renversement de valeurs en dénonçant les Grecs, la nation dominante d’Occident, comme les véritables barbares.


Ainsi les Grecs sont représentés par Talthybios, brute dont la sensibilité va être révélée tout au long de la pièce et Ménélas, l’archétype du cocu, dont la naïveté n’a d’égale que sa misogynie. Les autres hommes, tous guerriers, sont « hors champ » et n’ont pas (c’est le moins que l’on puisse dire) le beau rôle : Ulysse est présenté comme fourbe, traître à l’occasion (« Cet abominable fourbe, ce chien sans foi ni loi, qui passe d’un camp à l’autre, retourne sa veste, sème la zizanie, ce monstre à la langue double qui change l’amitié en haine ! » Hécube), c’est lui qui va convaincre l’armée d’achever le dernier enfant de Troie, le petit Astyanax. Agamemnon, le Roi des Rois, n’est guère plus glorieux puisque sa prise de guerre se résume en Cassandre, rendue folle à la suite d’un viol.


Tous ces hommes, plongés dans la guerre depuis une décennie apparaissent déshumanisés et abêtis (« Vous Grecs dont les armes ont plus de poids que l’intelligence » Hécube). C’est dans le camp des femmes Troyennes, ces femmes d’Orient et donc perçues comme barbares que l’on retrouve la trace d’une culture inébranlable et le raffinement d’une grande civilisation.


À travers l’histoire très récente, on pense bien sûr à ces soldats américains envahissant l’Irak, sûrs de leur fait, et convaincus de leur supériorité, à ces irakiens humiliés et torturés au nom d’une guerre qui se disait « juste », on pense à ces civils Lybiens, Syriens, Maliens… et la liste est longue, victimes dites « collatérales » des conflits contemporains et des frappes « ciblées ». Ce sont toutes ces victimes passées et à venir dont les Troyennes se font porte-parole, « porte-douleur ».


Hécube, la matrice, la mère originelle, tour à tour submergée par le chagrin ou combative, sa fille Cassandre, la vierge folle, celle qui sait mais qui n’est jamais crue, Andromaque, la douleur incarnée, celle qui perd successivement son époux adoré et son unique enfant, avant d’être livrée au fils d’Achille, mais aussi et surtout le chœur, celui en qui s’incarnent toutes les femmes, les vieilles, les jeunes, les fortes et les faibles, les femmes du peuple dans toute leur diversité.


Enfin, Hélène, la plus belle femme du monde, mystérieuse et monstrueuse que j’ai choisi de confier à un homme pour rendre compte de cette étrangeté, de cette différence, de cette universalité. Elle n’est pas seulement belle mais également supérieurement intelligente et c’est cette dernière qualité qui la sauvera car on comprend que malgré ce qu’il déclare, Ménélas retombera dans ses filets.


Restent les Dieux, Poséidon et Athéna, qui interviennent dans le prologue. Ils se rendent compte que le conflit auquel ils se sont mêlés leur échappe complètement et qu’ils ne peuvent plus arrêter la mécanique de mort et de destruction qu’ils ont mise en branle. Comme dans les Bacchantes, on constate dans les Troyennes l’athéisme d’Euripide qui met les humains face à leur propre responsabilité. Hécube va jusqu’à désigner Zeus comme « invention de l’intelligence humaine ».


L’action n’a pas sa place dans cette pièce et laisse le champ libre au pathos, aux larmes et aux thrènes gémissants des Troyennes.


LA MUSIQUE ET LA DANSE


«Dans le monde antique, la femme est cette créature qui met l’intérieur vers l’extérieur.» (Anne Carson, Verre, ironie et Dieu)


La question principale à se poser lorsque l’on veut monter cette pièce est la suivante : Comment traduire cette longue plainte, modulée par les différents protagonistes, plainte qui va s’amplifiant tout le long de la représentation, tantôt frémissement, gémissement, aria isolée, reprise par le chœur en écho, qui en amplifie la portée ?


C’est cette parenté des Troyennes avec l’Opéra (au sens où on l’entend depuis le 17e siècle) qui constitue la grande difficulté et la richesse de cette œuvre.


Le travail vocal est primordial ainsi que le travail choral et même orchestral, c’est pourquoi en plus des percussions, nous avons fait appel à un joueur de ney, instrument dont le timbre très proche de la voix humaine nous permet de sortir du réalisme, qui n’a pas droit de cité dans la tragédie grecque, et de rejoindre les représentations de l’époque d’Euripide : en effet, la voix des comédiens était soutenue par des percussions et des flûtes.


SCÉNOGRAPHIE ET MISE EN ESPACE


En lisant la pièce on ne peut pas ne pas penser à l’espace concentrationnaire que le 20e siècle à rendu tristement fameux : camps de concentration, camps de prisonniers, camps de réfugiés, camps de travail et même camps d’extermination.
Les Troyennes sont prisonnières d’un espace clos que la mise en scène et la scénographie doit rendre sensible.
C’est pourquoi, nous avons choisi de travailler dans un espace circulaire enclos de barbelés autour duquel le public sera témoin de la souffrance des Troyennes. Les personnages du « dehors » comme Talthybios et Ménélas auront la possibilité de rester à distance des victimes derrière les barbelés ou de s’en approcher quand l’empathie sera plus forte.
Les Dieux et les musiciens seront au début dans une position de surplomb sur des « tours de contrôle ». Ils se mêleront au fur et à mesure aux autres comédiens.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.