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Accueil de « Georg Büchner - Parcours complet »

: Présentation

Georg Büchner est toujours une bombe. Alors même que la société moderne, celle qui court jusqu’à nous, était à peine en train de naître, ce jeune révolutionnaire en a anticipé tous les traits, les oppressions, les douleurs, les névroses. Cette œuvre-là accompagne toute ma vie de théâtre. J’ai toujours voulu la faire partager aux jeunes acteurs des écoles, car elle laisse une trace pour la vie entière ; mais cette fois-ci, dans cette folle équipée de «tout monter», non seulement les trois pièces (''Mort de Danton'', ''Woyzeck'', ''Léonce et Léna''), mais tous ses écrits en prose, toute sa pensée, j’ai voulu aussi la partager avec des amis-collègues (Bruno Bayen, Gildas Milin) dont l’amour pour Büchner, ancien ou récent, va se donner en public. Et au public marseillais qui, j’espère, en prendra plein les oreilles !


Jean-Pierre Vincent




A propos de La Mort de Danton : « La mort de Danton » est l’un des moments troublants de l’histoire du théâtre : presque l’unique pièce sur la Révolution Française, chef d’œuvre écrit à l’emporte-pièce, en quelques semaines, par un révolutionnaire allemand de 20 ans traqué par la police, avant sa fuite vers Strasbourg où il poursuivra ses études et son œuvre, elle continue à fasciner et à dérouter. Büchner est alors scandalisé par l’état de l’Allemagne, sa division à l’infini en minuscules principautés dominées par des aristocraties absurdes, leurs administrations poussiéreuses et leur police omniprésente ; scandalisé par l’état de misère matérielle et mentale des populations ; atterré aussi par les erreurs de ses amis révolutionnaires des années 1830, leur romantisme, leur infantilisme politique. Et il est sous le choc de sa récente étude de la Révolution Française, où il constate « l’atroce fatalisme de l’Histoire », « l’inéluctable violence. » De tout cela, il tire un drame où il jette pêle-mêle toutes ses questions politiques, humaines, intimes aussi. Dans son angoisse, il y prédit le destin tragique (ou simplement atroce) de toute Révolution à venir. Il se réclame d’un nouveau théâtre collant à la vie, cette vie qui se transforme sous ses yeux, à l’aube du siècle des révolutions et de l’avènement de la modernité. Mais sa préoccupation première va vers le peuple, empêtré dans sa misère noire ; il est la cause et la raison de la Révolution (de toute révolution) ; les responsables politiques (tout autant Robespierre et Saint-Just que Danton et les siens) sont incapables d’accomplir la « révolution sociale » qui l’affranchirait et créerait un monde nouveau. Mais il a la force de survivre, et de noyer dans la force de son quotidien les tragédies spectaculaires de ses dirigeants. Danton meurt et la vie continue, jusqu’à nous. La pièce semble échapper à la raison, partir en tous sens : elle est tout simplement un instrument de liberté artistique. Elle ne tire aucune leçon, aucune morale de l’Histoire. Elle essaie de retrouver le choc entre la vie la plus intime et les idées (les systèmes de pensée.) Notre but aujourd’hui n’est pas de donner une mise en scène de plus à « La mort de Danton », mais d’essayer, en mettant en lumière, fragment après fragment, la richesse diverse des situations et de leurs paradoxes, d’amener ce groupe de jeunes acteurs à comprendre et à s’emparer de ce monstre théâtral qui a encore tant de choses à nous apprendre. En espérant nous mêmes y apprendre quelque chose, et que cela profite aussi à celles et ceux qui assisteront à ce travail…


Jean-Pierre Vincent




Lenz et la fabrique scientifique pour un théâtre du ressenti. Ce qui me crève les yeux dans l’œuvre de Büchner et plus particulièrement dans ses textes scientifiques, philosophiques, dans son essai sur le suicide, Woyzeck et Lenz, c’est la volonté « hyper-rationnelle » qu’il manifeste d’étudier la nature des rapports quasi « inobservables » entre le corps physique, le système nerveux, la conscience et peut-être même l’âme d’êtres humains, à la fois acteurs et spectateurs de leur vie et d’un monde dans lequel ils évoluent. Préfigurant en ceci certaines hypothèses de la physique quantique, le voilà qui s’attache à observer ceux pour qui les ponts entre leur corps et leur conscience ont été distordus, malmenés ou rompus. Ces personnages en équilibre fragile dans un espace et un temps où tout est devenu subitement trop grand pour eux, il les conduit et les suit sur des chemins qui vont de l’hallucination auditive à l’hallucination visuelle, jusqu’au crime, jusqu’au suicide. Plus encore donc que se mettre au service de l’écriture de Büchner, je voulais que les élèves puissent ressentir et surtout éprouver quelque chose du moteur de cette recherche et du mouvement à l’origine de son écriture. C’est pourquoi je leur ai proposé de devenir, tout comme Büchner à leur âge, porteurs d’un projet. Un projet dont ils seraient à la fois auteurs, metteurs en scène et acteurs, espérant qu’au final, chacun d’entre eux puisse répondre de sa création. Pour ce qui est de la forme, il s’agit aujourd’hui d’une quinzaine de pièces courtes (autant qu’il y a d’acteurs) s’inspirant toutes de Lenz. Pour ceux qui la connaissent bien, vous le sentirez, les écarts entre la nouvelle de Büchner et ces quinze pièces courtes sont souvent assez grands, mais encore une fois, c’est moins au texte de Büchner que nous avons essayé d’être attentifs qu’à ce que nous avons imaginé de ce qui avait pu l’habiter au cours de l’écriture. Imitant exactement en cela Büchner, puisque après avoir lu les notes du pasteur Oberlin décrivant les hauts et les bas du psychisme de Lenz durant son séjour à Waldersbach, Büchner avait dû imaginer, à partir d’un texte qui n’était pas le sien et depuis lui-même, le monde intérieur d’un autre. Une mise en garde peut-être pour finir, nous n’avons pas voulu donner une représentation trop explicative et compréhensible de la « folie » de Lenz, nous avons travaillé à en donner une représentation sensible – quinze directions singulières venues de l’intérieur de son esprit tourmenté.


Gildas Milin

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