Partant d’images quasi-cinématographiques et retrouvant la musique minimaliste de Mika Vainio, la chorégraphe genevoise Cindy Van Acker déploie sa science de l’abstraction dans une pièce de groupe où le lien à soi et le lien à l’autre se renouvellent par la transe, le rythme et le mouvement.

La danse de Cindy Van Acker est aussi abstraite qu’intense: par une science du rythme maîtrisée, un art savant de la combinatoire et des mouvements formels aux enchaînements inattendus, elle amène ses interprètes à une très grande concentration sur le geste lui-même. La qualité du mouvement fait alors apparaître un corps inouï qui n’a plus rien du corps tel qu’on se le représente. Elle révèle le corps ressenti, le corps vital: celui que nous connaissons de l’intérieur, informe et mouvant – le corps vivant, dont les rythmes et les puissances ne répondent ni aux principes de la médecine, ni aux routines de la productivité, ni aux représentations ordinaires des émotions. La chorégraphe parvient à atteindre ainsi la lisière du langage et de l’expression: ce corps n’exprime pas, ne mime pas, ne représente pas, il est mis en instance de signifier, comme s’il allait inventer un nouvel alphabet capable de décrire tout autrement la vie. Speechless Voices se situe dans l'imminence de la pensée et du langage humain, autrement dit le lien à l’autre. Pour sa nouvelle création, la chorégraphe retrouve le scénographe Victor Roy et le musicien Mika Vainio, disparu l’an passé et auquel cette création rend hommage en retraversant son œuvre fondamentale consacrée à la musique électronique. Partant d’images quasi cinématographiques, elle décuple le lien intense entre l’interprète et son corps et pousse ses danseurs dans un état proche de la transe. Cindy Van Acker fait de la danse l’occasion d’une réinvention de ce qui lie les humains entre eux, en revenant à l’intensité du rapport à soi, au corps, à l’espace et au temps.