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Pearl

+ d'infos sur le texte de Fabrice Melquiot
mise en scène Paul Desveaux

: Note d'intention

DÉCOR
Un studio d’enregistrement : une cabine en fond de scène, le studio ouvert sur le public.
27 cartons de boîtes de corned beef…


L’HISTOIRE
Une journée dans un studio. Un groupe de rock se retrouve pour enregistrer quelques morceaux afin de préparer son nouveau disque. Le studio est le lieu de toutes les affres, de tous les abîmes. Chacun peut se confronter à son travail, aux arrangements imposés, à ses propres improvisations et aux autres.
C’est un savant mélange de retour sur soi dans un milieu confiné, d’un voyage intérieur et d’une exposition à la fois sensible et violente.
Et au centre de ce territoire hors du temps, la figure féminine inspirée de Janis Joplin, Pearl.


LA GENÈSE
A la fin de l’année 2007, j’avais commandé à Fabrice Melquiot un texte autour de Jackson Pollock, le peintre américain, et sa femme Lee Krasner. Nous voulions développer un objet théâtral autour de la création et de l’intime.
Pour ce premier opus, le processus habituel s’était inversé : je n’avais pas attendu le texte pour définir l’espace. J’avais dessiné une scénographie – une sorte d’atelier avec une cuisinière – et le poème dramatique devait s’inscrire dans ce lieu prédéterminé. Fabrice Melquiot a transcendé ce lieu par l’écriture. Il est devenu à la fois l’atelier, un territoire intérieur, un bar…
L’expérience a été plus qu’enthousiasmante, et nous ne pouvions pas en rester là. Nous devions poursuivre et creuser cette question de la création au travers d’une autre figure.


C’est ainsi qu’en 2009 en discutant avec mon ami, compositeur et collaborateur Vincent Artaud, je lui proposai de travailler autour de la figure de Janis Joplin.
J’avais réécouté Mercedes Benz, Piece of My Heart et Summertime – cette fameuse introduction à la guitare de Summertime…–. J’étais loin d’aimer tous les arrangements, en particulier quand Joplin a commencé à chanter avec son second groupe, le Kozmic Blues Band. Mais cette voix, cette débauche d’énergie qui témoignait à la fois d’une incroyable force vitale et en même temps d’une faiblesse incommensurable. Une voix qui vient de très loin, des chanteuses qui l’avaient influencée comme Big Mama Thorton mélangées à la folk traditionnelle. Ce n’était plus seulement une voix mais une vision du monde.


J’ai vu quelques interviews et au fur et à mesure, Joplin est devenue une possible figure théâtrale. Mon admiration est passée au second plan pour laisser entrevoir le sujet d’une pièce. Elle est devenue peu à peu une matière pour la scène.
La seconde raison qui m’a poussé à choisir la musique pour sujet, c’est que je voulais depuis très longtemps travailler avec Vincent Artaud sur scène. Il signe depuis treize ans les bandes originales de mes créations, et le seul moyen d’explorer une nouvelle place pour la musique au sein de notre collaboration, c’était qu’il monte lui-même sur le plateau. Je l’avais souvent vu en concert pour ses propres disques ou accompagnant d’autres formations. J’aimais sa présence et je savais qu’il pourrait être un comédien intéressant.


De plus, si le roman, de Thomas Mann à Philip Roth en passant par Nathalie Sarraute, a été pour moi une source d’inspiration pour le théâtre, la musique a été un socle tout aussi important. Il y a tellement d’analogies entre la rythmique de la musique et celle des mots, la qualité harmonique des sons, etc…


Quant à Fabrice Melquiot, qui m’avait confirmé qu’il était partant pour cette nouvelle aventure et je ne pouvais l’envisager sans lui, je suis revenu à la charge avec une scénographie ou plutôt un lieu – ce studio d’enregistrement – et quelques références bibliographiques.
De la même façon que la fois précédente, il a commencé à écrire quelques pages, m’envoyant régulièrement de nouvelles versions. Je lui faisais part de mes critiques, il me renvoyait ses corrections ou ses objections – plus nous travaillons ensemble, plus ces discussions sont intéressantes –. Et comme il m’avait invité à créer Frankenstein à Genève en septembre 2012, nous avons poursuivi nos échanges non plus par mail ou au téléphone, mais autour d’un café ou mieux d’un verre de vin.


UNE FIGURE FÉMININE AUX ACCENTS DE LIBERTÉ
Avec Fabrice, nous ne souhaitions pas faire un biopic. Nous ne voulions pas suivre la forme linéaire de la biographie. Nous n’étions pas particulièrement intéressés par la vie pas à pas de Joplin mais plutôt par ce qu’elle représentait de création, de génie, de contradictions, de blessures et de drôlerie.
C’est ainsi que Fabrice a appelé naturellement son personnage Pearl – un des surnoms de Joplin qui fut aussi le titre d’un disque –. Une manière de trouver Joplin et son double.
Ici, Pearl/Joplin devient une figure théâtrale. Joplin nous quitte pour laisser place à Pearl.


Comme nous nous détachions peu à peu de Joplin – elle était à la fois présente et absente –, j’ai demandé à Fabrice d’écrire des chansons en anglais que Vincent mettrait en musique. Chansons qui s’inscriraient d’autant mieux dans la narration du texte qu’elles appartiendraient à l’objet théâtral.
La reprise de chansons connues est risquée parce qu’il y a toujours une comparaison possible avec l’original. Joplin est Joplin et indépassable. Mais trouver le son de titres inédits, c’est une autre histoire. Pas seulement la mélodie, mais le son et l’arrangement. Le travail de Vincent Artaud est devenu tout aussi important que l’élaboration de la pièce en elle-même. A la musicalité des mots doit répondre la qualité des sons.
Il restera peut-être deux reprises, Mercedes Benz que nous avons déjà enregistrées et Summertime.


En un sens, je me demande si nous ne pillons pas Joplin pour en prendre ce qu’il y a de plus intéressant pour nous : une figure féminine aux accents de liberté.
Il faut imaginer cette jeune fille qui nait à Port Arthur en 1943, dans une famille chrétienne, respectable, et meurt en 1970 à San Francisco en égérie du mouvement hippie.
Dans ce voyage qui va la mener du fin fond du Texas à la côte californienne, Joplin va transgresser tous les codes sociaux en avouant son goût pour les deux sexes, les drogues, le southern comfort, la provocation, le tatouage... et conjuguer ceci avec son extrême exigence musicale.
Les figures de la liberté sont assez rares. Janis Joplin en est une, et sa musique a été le vecteur de cette fronde intérieure.


70’S, DE L’INSOUCIANCE…
Je ne sais pas s’il existe des périodes dans l’Histoire qui seraient plus exaltantes que d’autres. Mais après avoir mis en scène des textes de Kerouac, travaillé sur Pollock et créé, à Buenos Aires, le Sallinger de B.-M. Koltès qui a le parfum des auteurs américains de l’après-guerre, lu John Fante, écouté Coltrane jusqu’aux Doors... j’avoue avoir un faible pour cet espace-temps. Une sorte de crise de la liberté et de l’insouciance.
Je ne suis pas passéiste. Je déteste la mélancolie des époques révolues. Le monde n’était pas moins violent ni plus beau. Il suffit de lire les rapports d’intervention de la CIA juste après la Seconde Guerre mondiale… Mais dans quelques endroits, lors de brefs moments, il soufflait un air du tout est possible. Ce sont des vagues historiques qui ont duré peu de temps – quatre ou cinq ans pour le mouvement hippie –, mais elles avaient le goût d’une fenêtre ouverte sur un jardin d’anti-conformisme. Et au regard de notre époque, cette aspiration-là mérite qu’on la réinterroge.

Paul Desveaux

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