Les pièces d'actualité initiées par le Théâtre de la Commune CDN d'Aubervilliers partent du postulat qu'il y a urgence à renouer des liens forts entre les populations et le théâtre, entre les gens et les artistes, reconstruire des liens sociaux au moyen de l'art, et par là, refonder les notions de groupes et de sujets : inventer un territoire où la beauté et la pensée ne seraient pas spoliées par quelques-uns, mais proposées à tous comme outil de devenir.

J'ai songé aux ateliers clandestins chinois, à l'enfermement des travailleurs, à la promiscuité de leurs corps au travail, à l'exploitation de ces corps par un système que nous avons érigé en modèle social. Notre pièce d'actualité débutera par une enquête approfondie sur les communautés chinoises d'Aubervilliers et de Marseille dont on ne sait à peu près rien tant elles vivent repliées sur elles-mêmes. Sidérante muraille qui ne laisse paraître que les clichés dont nous nous abreuvons : bouffe, nouvel an, dragon, commerces, objets clinquants. Par cette pièce d'actualité, gageons qu'une autre représentation des Chinois soit permise, affranchie des préjugés que toute altérité suppose, peut-être plus trouble, plus intime, plus nue et plus tragique que le vernis ordinaire.
Je ne cherche pas à produire du théâtre documentaire, quand bien même j'ai recours à des médiums tels que la collecte de paroles et l'enquête en immersion, des termes très à la mode. Je suis hanté par le théâtre.

Franck Dimech