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Le repas des gens

mise en scène François Cervantes

: Présentation

Ce spectacle tire son origine d’une scène de la précédente création, Le cabaret des absents (2021).


Le repas des gens, c’est l’arrivée sur scène de Robert et sa femme, qui ont vécu toute leur vie dans le même quartier Ils ont une maison en location. Déjà l’arrière-grand-père de Robert louait la même maison Et le dîner, c’est le seul moment où ils se parlent. Parce qu’il ne parle pas beaucoup, Robert. Alors, au bout de quelques années qu’ils étaient ensemble, sa femme lui a dit : « Bon écoute, Robert, ce qu’on a à se dire, on va le garder pour le dîner, et puis dans la journée, on se parle pas, voilà » Et ça va très bien comme ça Ils aiment parler quand ils mangent. La maison est toujours ouverte, et ça depuis le début. C’est Robert, ça, c’est sa générosité. Il fait comme ça Son arrière-grand-père, déjà, il ouvrait Au moment du dîner, tout le quartier passe à la maison, ça entre, ça sort, ça discute


Un jour, le directeur du théâtre, qui est un cousin éloigné, est allé dîner chez eux. Il a passé un moment tellement invraisemblable avec eux qu’il leur a proposé de venir passer une soirée pour rencontrer le public Robert et sa femme ne sont jamais allés au théâtre de leur vie Et ils entrent sur scène La table est mise pour ce dîner auquel ils sont invités Ils découvrent la salle, saluent les spectateurs et se mettent à table Peu à peu, aidés par la surprise, l’émerveillement et l’excellent vin qu’on leur a servi, ils sont gagnés par l’étrange émotion d’être sur scène devant un public Leur hospitalité naturelle fait venir au plateau des fantômes de théâtre et la soirée devient une rencontre du visible avec l’invisible.


Il y a des millions de personnes qui ne sont jamais entrés dans un théâtre de leur vie, et qui n’y entreront jamais (mais pour autant des millions de personnes sont contents de savoir qu’il y a des théâtres, sans pour autant y aller, comme il y a des gens qui sont heureux qu’il y ait des bibliothèques, dans avoir jamais lu un seul livre, comme sont heureux qu’il y ait des fusées, sans avoir été sur la lune, qu’il y ait des lieux de culte, sans avoir aucune croyance, qu’il y ait des bateaux sans avoir jamais été en mer)


Mais il y a une chose spécifique au théâtre, c’est qu’il s’adresse à l’ensemble de la communauté des hommes qui vit ensemble sur la planète au même moment Le théâtre repose sur cette spécificité : un homme prend la parole devant toute la communauté des hommes, et cela concerne tout le monde


Les statistiques ont beau dire que 8 personnes sur 10 n’ont jamais été au théâtre de leur vie, je continue à penser que le théâtre est fait pour ces personnes là Je fais du théâtre pour ma famille espagnole qui cultive la terre dans la région de Valencia, pourtant ils ne sont jamais allés au théâtre Il n’empêche, je fais du théâtre pour eux Les gens qui ne sont pas dans la salle sont là par la pensée


J’écris pour toutes les personnes que j’ai rencontrées depuis que je suis né, même si ce n’est que le temps de se croiser dans une rue, dans un train et qui remuent dans ma chair, dans mes pensées, sans que je le sache…


Dans les grandes villes, on se demande quelle communauté on peut créer Cette question d’une communauté des hommes est vitale au théâtre, qui est l’art du présent. Ce qui n’a pas lieu maintenant n’aura jamais lieu Le Mystère de l’instant présent est le sujet essentiel au théâtre


Ce couple, par leur regard, nous redonne l’essence du théâtre, avant la mise en scène, avant la scénographie, avant même l’écriture Quelqu’un prend la parole, s’adresse aux gens qui sont réunis là Ces gens-là viennent d’ailleurs : non pas de la mort, du passé, d’un monde lointain, mais ils viennent d’un quartier voisin, un de ces quartiers où on ne va jamais, un quartier pas spécialement animé Ils nous rappellent que l’autre vient toujours d’ailleurs, que l’autre est toujours autre, que la conversation est ce mouvement incessant, toujours à recommencer, pour aller d’une essence à une autre, que la communauté se forme à l’horizontale, un par un, par une multitude de liens invisibles et fragiles La communauté, ce n’est pas une construction abstraite et extérieure, c’est un organisme qui a sa vie propre


Ces deux personnes, qui ont vécu toute leur vie dans le même quartier, nous rappellent les tribus, les peuples premiers, et ils vivent juste à côté de nous Ils nous rappellent la nature ancienne du théâtre : entrer en contact avec d’autres mondes Et notre essence, notre être intérieur, est peut-être le monde le plus lointain, celui que nous ne connaissons pas encore et qui reste à explorer

François Cervantes, septembre 2023

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