: Note d’intention
Hamlet
(…) Mais moi, moi ! Je ne suis que froussard, inerte, obtus, je suis là et je ne fais rien, rien. Pourtant, je sais ce qui m’attend. Moi ! Fils de roi, fils de victime, poussé par le ciel et l’enfer à venger, moi, je reste là, maintenant ; et, avec ces mots, je me déballe comme une putain.
Mais je sais ce qui m’attend. Qui commencera ? Qui me traîte de lâche ? Qui me traîte d’infâme ? Qui me cassera la figure ? Qui donc le premier m’arrachera les cheveux, me tirera par le nez, m’enfoncera dans la gorge mes mensonges jusqu’aux poumons ? Qui me fera cela, qui ?
Mais voyez : n’ai-je pas le foie d’un pigeon ? Comment, autrement, expliquer que tout ne soit pas fini ?
Les ventres des oiseaux devraient déjà être pleines des tripes de ce chien.
« Il est certainement difficile à l'heure où j'écris ces lignes de deviner quel
spectacle sera ce Jour des meurtres... Peut-être n'est-ce absolument pas
souhaitable non plus.
Il y déjà un mystère profond à énoncer ce titre suivi du nom de son auteur :
Le Jour des meurtres dans l'histoire d'Hamlet de Bernard-Marie Koltès.
Ce mystère-là, je tiens à le conserver le plus intact possible, le plus tard
possible.
Pour quiconque s'est intéressé un tant soit peu au théâtre et à la littérature de
ces vingt dernières années, cet intitulé devrait légitimement provoquer toute
une batterie de questions :
Qu'est-ce que je peux dire :
Ce n'est pas un Hamlet de plus.
Ce n'est pas une pièce de Koltès de plus.
Ce n'est pas une pièce de Shakespeare.
Ce n'est pas une pièce d'Yves Bonnefoy.
Ce n'est pas une traduction.
Ce n'est pas une adaptation.
Cela parle d'éponges.
Cela s'écrit et se passe probablement vers le milieu des années 70.
Une histoire de reflets.
Le Jour des meurtres…, est à plus d'un titre un objet éminemment
contemporain. Si Hamlet, le mythe, est le personnage contemporain même,
c'est qu'il est un des premiers à refuser de faire histoire.
Dans la pièce de Shakespeare, c'est lui qui arrête l'action, refuse de la
prolonger ou d'en être le moteur et le héros.
Ce Hamlet-là est certainement plus jeune, plus pur, plus pressé d'en finir...
D'en finir avec Hamlet, d'en finir avec le théâtre.
Puisque la pièce arrive quasiment d'outre-tombe (presque vingt ans après sa
mort), plane au-dessus d'elle le scepticisme de son auteur.
Il règle ses comptes avec le théâtre. Cette pièce aurait pu être sa dernière.»
Thierry de Peretti
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