Quand le choix de monter une pièce de théâtre se décide, la question essentielle posée reste : pourquoi celle-ci et pas une autre ? Vient ensuite une rivière d’interrogations telles que : pourquoi un texte classique ? Pourquoi William Shakespeare ? Que voulons-nous dire avec cette œuvre et surtout réussirons-nous à exprimer scéniquement ce foisonnement d’images et d’idées ? Arriverons-nous à dépoussiérer, à désacraliser ce texte magnifique sans le dénaturer ou le trahir ? Autant de questions qui ne trouveront une réponse qu’à l’ultime représentation. J’ai choisi de clôturer cette merveilleuse aventure élisabéthaine (après Volpone et La Mégère apprivoisée) par l’ultime pièce de William Shakespeare, parce que c’est une œuvre qui symbolise à mon avis la fin d’un monde, d’une époque, d’un mode de pensée proche de la philosophie. Cela ne veut aucunement dire que le chaos produit par cette « tempête » ou plutôt ce  « tsunami » nous mènera vers une fin définitive et tragique, une sorte de point final de notre existence, mais vers un renouveau, car des cendres renaît l’espoir. La Tempête est pour moi, comme toutes les grandes œuvres de cet auteur,  « un règlement de comptes passionné avec le monde véritable ».
« La tempête est une pièce, comme toute l’œuvre de Shakespeare, profondément spirituelle. C'est-à-dire que c’est une pièce métaphysique et aujourd’hui on a une peur bleue de ces mots. Et on essaie de trouver dans Shakespeare tout autre chose. » (Peter Brook).
Pour répondre à la question «pourquoi la Tempête ? », je dirais que c’est une pièce axée sur le théâtre et son pouvoir d’illusion, un divertissement somptueux et jubilatoire célébrant l’art et la magie du théâtre. Puis, d’un point de vue plus personnel, cette œuvre me semble très représentative de ce que nous pouvons vivre aujourd’hui au sein d'un climat mondial agité. Pour conclure, il y a la puissance des personnages ou chacun d’entre eux vit une tempête de sentiment intérieure. L’intrigue offre aux spectateur une reprise des grandes pièces et personnages de William Shakespeare comme la rivalité des frères dans  « Hamlet », l’obsession du crime dans « Richard III », de l’assassinat politique dans  « Macbeth », , la présence de la mort dans « Richard II » et les liens de la vie et du rêve dans « Le songe d’une nuit d’été », le tout symbolisé par une île représentant le monde ou chaque homme et femme sont de simples acteurs. On retrouve dans « la Tempête » le monde du temps de Shakespeare : celui des grands voyages, celui des rêves et des conquêtes. Cette œuvre est à l’image du monde ou l’histoire se répète ou le désespoir enfante une vie meilleure (Antoine et Cléopâtre) L’ile est le monde, le monde est un théâtre, tous y sont des acteurs. Prospéro protagoniste de l’histoire n’est que le metteur en scène, le chef d’orchestre du spectacle. Bref et fragile comme la vie.