: Molière, farceur ?
par Claude Buchvald
Molière a fait en son temps voler en éclats masques et effigies. Enterré clandestinement de
nuit dans la fosse commune, le pauvre Sganarelle ne reviendra plus de sa galère. Mais nous
sommes encore là pour l’aller chercher, là où il est libre de toute entrave.
Il s’est adressé à ses contemporains avec la rage et l’intelligence, et comme suprême
gagnant : l’amour.
En s’intéressant à des canevas archaïques connus de tous, en les composant très
méthodiquement, il a fait de ses courtes pièces des chefs d’oeuvres, où toute forme de
rhétorique est passée au hachoir de la langue. Une sorte d’ivresse verbale, sonore, éructant
par tous les orifices est donnée à vivre aux acteurs : une fête du langage, contenue en une
aire de jeu de quelques mètres carrés, dilatée mentalement par la folie qui se contamine de
cerveau à cerveau, et qui décidément opère le réel dans les moindres de ses
retranchements. Ici tout prend sens. Le français de Molière, dans sa perfection classique, sa
fluidité, son élégance ne se rend que plus transparent aux mouvements chaotiques, aux
forces bouillonnantes et obscures qui habitent les passions humaines.
C’est dans l’anéantissement du pauvre Sganarelle que la farce se consume, et Molière s’en
joue, comme on se joue de soi‐même ; il sait de quoi il parle, lui à qui rien n’est épargné à
cette époque tardive de sa vie : ni dans sa maison, ni à la cour, ni dans son théâtre, ni dans
son corps déjà touché par la maladie… On peut parler ici sans se tromper d’écriture
autobiographique.
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