“Plus de 3600 migrants s'entassent. S'implantent à répétition. C'est un nombre record.Les vagues d'arrivées s'accélèrent. Plusieurs centaines de migrants s'agglutinent. Maréehumaine. Vagues d'arrivées. Flux quotidien. Éternel recommencement. Crise historique.Engorgement immédiat. Accueillir toute la misère du monde. Il faut absorber le flux. Denouveaux arrivant chaque jour. La ville est prise d'assaut. Engorgée. Le nombre ne cessed'augmenter. Craindre l’appel d’air.”

C’est ce qu'on lit dans les lignes de la presse depuis 2015 lorsqu'il s'agit de la malnommée “crise migratoire”. Depuis, c’est ce même discours qui nous assomme de sonlexique jusqu’à l’écoeurement. Partant de ce constat, a émergé la nécessité de nousinterroger sur les limites et dangers auxquels l'emploi inquestionné des mots nousexpose. Nous, face à nos écrans de télévision, mais aussi et surtout celles et ceux quifuient l’horreur et qu’il est temps de cesser de présenter comme des corpssurnuméraires.

De la recherche au théâtre 

La Crise est un spectacle qui trouve ses racines en 2017 à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis. Après une année passée à Athènes, Nora Hamama y consacre sa dernièreannée de master à l’étude du traitement médiatique des migrations. Depuis, il y a eu la rencontre avec six comédien.ne.s au conservatoire, et ce mémoire de recherche a alorsdonné lieu à un spectacle basé sur plusieurs travaux de sciences sociales.Tout commel'étude qui l'a précédée, cette pièce a pour vocation de remettre en question l’emploi del’expression “crise migratoire” qui semble faire fi d’un contexte historique, géopolitiqueet social aux dimensions aussi complexes que variées. Si l’on parle de cadrage en journalisme, il y a le théâtre qui lui s'intéresse à ce qui se situehors champs, à ce qui est invisibilisé. Une vérité toujours placée dans l'ombre qui estpourtant la première condition d'accès à la reconnaissance des droits des exilé.es.

Les médias et nous

Alors non sans une pointe de cynisme et d’autodérision, Adrien, Béatrice, Caroline, Danielet X, les personnages de La Crise, profils type de consommateur.ices de médias, vont tour à tour prendre au mot la façon dont les discours dominants qualifient l’arrivée deces quelques milliers de personnes venues chercher refuge en Europe. De tableaux en tableaux, chaque terme est décortiqué, détourné, interrogé, tourné en dérision, remisen cause. Dès lors, à mesure que le discours médiatique se déconstruit, d'une conférencede rédaction agitée au craquage d'un présentateur télé en plein direct en passant parune sombre visite touristique de la Grèce … c’est la folie qui s’empare du plateau.