Deux hommes, une amitié, une complicité.

Un voyage nocturne vers l’Inconnu.

Un périple vers la limite de toute chose, là ou la mer et le ciel se rejoignent et se confondent.

Dans Je suis le vent nous sommes confronté à la faculté particulière de Jon Fosse de saisir et de circonscrire l’existence humaine en peu de mots, dans un échange de paroles tout en suspension, ponctué de silences, aussi dense que insaisissable. Comme souvent chez lui, ce qui est dit est moins important que ce qui n'est pas dit. Il ne cesse de nous faire voir le blanc dans le noir et le noir dans le blanc. C’est un théâtre traversé par les traces d’autres vies, et par les éléments. Les paroles, les vagues et le vent nous entraînent dans un vertige qui brouille l’orientation. Comme un voyageur qui voit la mer et le ciel se confondre à l’horizon, nous sommes amenés à perdre la la notion du temps, à confondre le passé et l’avenir, la vie en chair et la vie imaginaire, et à nous surprendre nous-mêmes en découvrant de la gaîté dans ce qui nous fait peur.

La magie de Jon Fosse e fait que nous, spectateurs, finissons par être nous-mêmes embarqués, amenés au lointain, tout en étant, tout en restant au plus près de nous, intimement confrontés à nous-mêmes, à nos angoisses et à notre désir d’apaisement.

Une pièce méditative? Une comédie philosophique? Tout cela sans doute, et tout à fait autre chose. Il y a de la douce provocation dans sa manière de déplacer nos certitudes…

La délicatesse de Jon Fosse n’a nul pareil. Ici, tout est allusion, l’économie des mots est la même que l’économie des moyens scéniques. La didascalie initiale en témoigne: "‘Je suis le vent’ se joue sur un bateau imaginaire et à peine suggéré. Les actions sont également imaginaires et ne doivent pas être exécutées, mais suggérées."

Lukas Hemleb