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Gênes 2001

+ d'infos sur le texte de Fausto Paravidino traduit par Philippe Di Méo
mise en scène Patrick Bébi

: Présentation

LE CONTEXTE


Eté 2001 : le rassemblement du G8. Les dirigeants des huit plus grandes puissances économiques de la planète sont réunis pour « décider de l’avenir de toute la planète » et sont accueillies cette année-là par le gouvernement italien de Silvio Berlusconi.
Le scénario économique et social mondial est profondément injuste et alarmant: 20pc de la population mondiale consomme 83 pc des ressources planétaires, 11 millions d’enfants meurent chaque année de malnutrition, 1,3 milliards de personnes vivent avec moins d’un euro par jour.
Face à ce constat et pour défendre des principes de justice sociale, de solidarité et de développement équitable et durable, 1187 organisations de tous pays composent un forum social qui manifeste pacifiquement dans les quartiers proches, à l’occasion de chaque réunion du G8, pour déclarer qu’il pense « un autre monde » possible. Cette année-là, les manifestants de tous pays sont très nombreux à avoir fait le voyage vers Gênes…




LE TEXTE


Le texte n’est pas dramatique (dans son acception théâtrale : pas de dialogues, d’action scénique). Il s’agit de raconter, presque de façon journalistique, les événements qui se déroulèrent autour, parmi et contre les manifestations des opposants du G8 en 2001 à Gênes. Raconter avec précision et accumulation quantitative de faits. Ce serait comme les « minutes » de ce qui se passe au dehors de la zone de réunion du G8. Dans sa radicalité et son esthétique, ceci fait penser au théâtre documentaire d’E. Piscator et P.Weiss.
C’est la première fois que le mouvement altermondialiste, assez jeune, est l’objet d’un regard et d’un traitement théâtralisé. Le texte est ouvert : il n’y a pas de personnage mais une évocation de 300000 individus, l’histoire est encore en train de s’accomplir et le texte est susceptible d’être remanié en fonction de l’actualité. L’auteur précise que « l’action se passe dans un théâtre ».
La construction du texte épouse les ‘moments’ du ‘documentaire’ : deux prologues puis 4 actes qui couvrent chacun des jours chauds de Gênes du jeudi 19 juillet au Dimanche 22 juillet.




ANALYSE


L’accent est mis sur la présence forte de l’appareil répressif policier (inversement proportionnelle à la réelle force de l’Etat), leur attitude intimidante et provocatrice, sur l’arrogance des discours politiques des jours qui précèdent le sommet. La question qui est posée est celle de la violence d’Etat dans notre Europe dite démocratique. (Il y a d’autres exemples de ‘dérapages’ qui posent question, comme cette répression d’une manifestation féministe pacifiste en Turquie). L’Italie a toujours été un laboratoire politique pour le reste de l’Europe (voire un terrain d’expérimentation de modèles et fonctionnements politiques qui s’étendent ensuite : voir la naissance du fascisme, le financement de la Démocratie Chrétienne dans l’après-guerre, les années de plomb et leurs mouvements de terrorisme et de déstabilisation). Cet épisode génois mérite donc d’être analysé et interrogé comme modèle possible pour l’avenir de l’Europe : ce qui est à voir c’est l’économique prenant définitivement le pas sur le politique et les moyens violents mis en place pour permettre cette prééminence. Le texte implacable de Paravidino tend à démontrer que le meurtre du jeune Carlo Giuliani n’est pas le résultat d’une bavure accidentelle ou d’une mauvaise organisation mais l’issue logique et prévisible d’une sorte de laboratoire d’expériences répressives en grandeur réelle. Ces expériences préparent la violence répressive qui sera nécessaire, dans nos pays, lorsque sera abandonné plus ou moins brutalement le modèle de démocratie sociale qui est encore le nôtre.
La force de Paravidino est d’éviter la militance (mais il y a de toute évidence de la sympathie), le pathos, la compassion ou la tristesse au profit des faits. Le spectacle est pensé comme un prétexte au débat. Autour de ce matériau, un mouvement de réflexion est à inventer, une dynamique avec des partenaires essentiels : les jeunes citoyens et leurs professeurs ou animateurs les plus motivés, les associations, qu’elles soient ou non dans la mouvance Alter, les syndicats,…




MISE EN SCENE


Le récit est vif, les mots simples et forts, absolument adéquats pour ‘traduire en sensations’ l’avancée implacable d’un processus froid dont tous les ingrédients et acteurs ont été méthodiquement rassemblés. Cette puissance des mots, une ‘machine de guerre’ qui avance de plus en plus vite, souffrirait mal une « mise en scène » dans le sens d’une inscription sur le plateau de l’action réelle racontée, que ce soit réalistement ou symboliquement.
La base de travail sera donc de faire reposer la force du spectacle sur les mots. Les six acteurs sont assis à trois tables. Les quatre interprètes centraux portent le corps du texte, le descriptif, la somme des événements relatés. Les deux acteurs latéraux portent les paroles directes des divers intervenants auxquels l’auteur donne la parole sans pour autant les incarner. La mise en avant du texte (et non des acteurs) sera radicalisée, jusqu’à obtenir une épure. Se superposeront la rythmique de l’écriture et de la profération, souvent en corrélation avec le rythme des événements décrits, et notre propre vision symphonique de l’œuvre.
Des images de faits réels captées pendant les événements de Gênes seront projetées. Il s’agit d’ajouter aux faits intellectuellement inacceptables les images, traces du réel, physiquement insoutenables. On fera entendre ce son, laid et sourd qui accompagne souvent ces images réelles, à des lieues des sons trafiqués de la violence filmique. Ces images annonceront probablement les 4 journées, comme autant de chapitres. Elles sont là pour nous éviter la tentation d’édulcorer et normaliser le réel par un travail d’imaginaire.
La musique. Elle ponctue le récit, souligne la musicalité des phrases. La musique est axée sur deux thèmes : une variation sur des thèmes de la symphonie n°7 dite « Leningrad » de Chostakovitch, à la rythmique assez obsessionnelle, écrite pour apporter un soutien direct à la population de Leningrad résistant aux Allemands. Une composition en langage musical alphabétique autour des lettres qui composent ‘Carlo Giuliani Ragazzo’ – la jeune victime des carabinieri ( ce procédé est utilisé en musique tonale- Bach- ou sérielle. Le nom de Carlo Giuliani ne se dévoile entièrement qu’au moment de sa mort).
Le chant : Une ligne du temps s’inscrit au fil du spectacle sous la forme d’un choix de chansons. En ouverture de spectacle, « Berceuses » de Brecht/Eisler écrite en 1932 (les paroles d’une mère au fils qu’elle engendre, annonçant et déplorant tout à la fois les luttes qu’il devra mener pour sortir de sa condition d’exploité) à laquelle fera écho les paroles de la mère de Carlo Giuliani à son fils (qui ponctuent le spectacle un peu plus loin en vidéo). Ce même fil historique passera plus loin par le récit d’une mort d’homme pendant une manifestation (un texte de Giovanna Marini daté de 1974) et aboutira, en fin de représentation, au texte écrit en 2003 par le sous-commandant Marcos, de l’Armée Zapatiste de libération Nationale, au Mexique.




LA SCENOGRAPHIE / LES ACTEURS / LES COSTUMES


On opte pour une représentation directe avec dispositif simple permettant le rapport direct entre acteurs et spectateurs ainsi que la projection d’images. L’espace est brut à l’image de la manière dont les faits sont exposés dans leur brutalité.
Les mots d’ordre seront : ligne épurée et soignée, nudité, simplicité.
La seule didascalie de l’auteur sur les personnages est : « Les personnages sont des femmes et des hommes de divers âges, cultures, couleurs ». Dans notre travail, les personnages seront des hommes et femmes de culture occidentale, entre 25 et 35 ans. Les acteurs ne sont pas eux-mêmes mais renvoient à ce qu’ils sont : de relativement jeunes citoyens d’Europe du Nord, sans italianisation ni recherche d’une esthétique soi-disant « altermondialiste ».

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