: Note d’intention
Far Away a déjà été monté en France il y a quelques années et par un des plus notables de nos metteurs en scène, Peter Brook.
Le petit mot de sa main qui ouvre l’édition de la pièce en français dit de la pièce de Caryl Churchill : « Far Away, est hors toute catégorie » Et c’est bien ainsi.
Être « passée » par les trois actes de cette courte pièce,
c’était avoir reçu toutes les bonnes raisons de la mettre en scène.
Ce théâtre ciselé et parodique forait, au-delà, une représentation
magistrale du chaos contemporain.
« L’humour quasi surréaliste » de Caryl Churchill rendait palpable
l’obscure impression d’une désarticulation du monde.
Une sorte de cauchemar où paroles et actes humains, semblaient
se dissoudre dans un principe sans principe. Où l’enfer avait
les attraits du monde ordinaire.
Tout ici nous est familier et la réalité de nos existences se trouve partout reconnaissable. La barbarie qui semble y présider, faire autorité sur cette réalité est, elle, impensable. Elle sème pourtant le trouble dans chaque réplique.
Ce serait désespérant s’il n’y avait le plaisir, le soulagement très
humain de la peine et de l’effroi enfin nommés, capturés par l’oeuvre,
adressés et alors interrogés.
S’il n’y avait, élevés, soutenus par l’écriture, le goût de la question,
des mots, la beauté de l’éphémère, la force de la rencontre.
S’il n’y avait le flamboiement extravagant de ce théâtre.
S’il n’y avait la puissance métaphorique et poétique du dernier acte.
Le théâtre est, entre autre, pour Caryl Churchill « l’expression des données historiques et sociales qui constituent les enveloppes essentielles des mythes ».
C’est bien à la hauteur de cette dimension que s’entend Far Away.
Et soulevant l’écrasement, la fable de Caryl Churchill contient l’espérance d’une re-création du monde.
Il faudra prêter main-forte à l’extravagance réaliste de l’écriture.
J’entends par là suivre ce que d’évidence l’écriture impose : ce qui
se passe est fou, mais ça se passe l’air de rien. Caché dans l’ordinaire.
Ainsi de l’alchimie entre le jeu des acteurs, le texte, la scénographie.
Et les trois actes de la pièce, s’ils guettent en continu et en arrièreplan
la nature de la menace – l’oppression visible et invisible –
ne sont pas trempés dans la même eau. Caryl Churchill change en
quelque sorte de mode, à chaque acte, pour mieux emporter la fable
vers sa dimension mythologique.
Dans le premier, on est tout près d’un réalisme de cinéma, le deuxième
s’évade dans une extravagante métaphore de situation, dans
le troisième c’est l’écriture elle-même qui passe à la fable
presque sur-réaliste.
L’on pressent néanmoins que le jeu d’acteurs doit rester très simple,
très humainement palpable, pour laisser affleurer la lecture de
l’arrière-plan, sans jamais quitter cette reconnaissance affective
en quelque sorte. Quand bien même l’objet théâtral déborde et
pour qu’il puisse déborder.
Pascale Henry
septembre 2009
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