LE SPECTACLE EN BREF

« Approchez, fidèles… car aujourd’hui nous luttons pour une division libre, un avenir meilleur sous les étoiles, et si je vous mens et si tout va mal, des opprimés aux fastes castes, des proxénètes aux vierges folles, du pieux mouton à la girafe, oui, sauve qui peut et dans le pillage du tabernacle emportez votre morceau de vertu, mon peuple je vous le dis, tout va bien, Dieu est mort, Satan est sauf et Madeleine a rechuté dans le trafic d’olives au Golgotha. »

Dans la pesanteur d’un hôpital psychiatrique, de jeunes perdus partagent leur quotidien, leurs rêves et leurs souffrances. Ils cherchent un chemin hors de cet espace carcéral s’inventant chacun un monde qui ne parvient plus jusqu’à eux. Certains cherchent l’amour comme remède à leur enfermement, d’autres se perdent dans leurs souvenirs douloureux ou leur passion destructive. Tous expriment leur mal d’exister. Personnages exaltés et imprévisibles, ces êtres se dévoilent peu à peu, résignés à s’enfuir, là où n’existent ni murs, ni division.

Julien Mages et Frank Arnaudon sont parmi les premiers diplômés de la Haute Ecole de Théâtre de Suisse Romande (La Manufacture). A l’issue d’un projet personnel lors de leur formation, ils signent la mise en scène de Cadre Division dont Julien Mages est l’auteur. Porté par les jeunes comédiens de l’école, ce spectacle fait jaillir une écriture inventive et souffle le frais sur la saison de l’Arsenic.

---

NOTE D’INTENTION

« Cadre Division est une histoire tragique : espoir et réalité s’y confrontent pour s’embrasser dans l’épilogue austère de l’existence.

Les personnages de ce drame se résignent et préfèrent mourir, capitulants dans l’étau de la souffrance, mais ils partent comme des papillons emportés par un souffle onirique, vers une mort souriante parce que sans murs et sans division.

Le rêve et l’espoir de ces jeunes et leurs souffrances constituent les deux aspects intéressants de la mise en scène. C’est précisément ce contraste que nous avons mis en exergue.

La pesanteur de l’hôpital psychiatrique est surtout accentuée par une atmosphère froide et sombre dans le visuel de la mise en scène : espace clos dans lequel les patients sont enfermés par un public qui les entoure.

Le public est introduit dans la souffrance de l’enfermement paranoïaque à l’intérieur d’une communauté thérapeutique. En observant les fous et leur enfermement, et qui plus est de façon bi-frontale, c’est-à-dire en « étau », il se rend coupable de cet enfermement et joue le rôle du conventionnel, du normatif, qui enferme les « fous ».

La prise de conscience de cette pièce par le public est d’autant plus percutante qu’il se rend compte que ces fous ne le sont peut-être pas comme il le croyait. Ce public représentant le « normal », qui emprisonne les « fous », pourra ainsi se confronter à l’erreur de jugement sur la nature de la différence fondamentale qui nous caractérise tous, eux, emprisonnés dans leur mal d’existence, et nous, libres, confortables spectateurs anesthésiés par ce jugement sur ceux qui ne se rangent pas à la norme de la société.

L’univers visuel est donc froid et la chaleur amenée par les acteurs ; ainsi leur drame est plus intense. Les résidents sont des personnages exaltés qui passent du calme à la tempête de manière imprévue et incohérente. Leurs délires ne s’appuient ni sur un décor, ni sur un effet de lumière, ni sur une mise en scène faite de trouvailles insolites galvaudant l’intensité de leurs relations. Cependant tout cela (décor, lumière, mise en scène) existe mais sert toujours l’idée d’un espace clos, d’une prison froide où la seule beauté réside dans les êtres qui l’habitent.

Par opposition à la « souffrance » réaliste des résidents, l’univers du staff médical se base sur un non-réalisme ironique et comique dont le texte, parfois absurde, apporte un contraste rehaussant la vision lucide et tragique des fous. »

Julien Mages et Frank Arnaudon