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+ d'infos sur le texte de Dominique Hubin
mise en scène Arnaud Rykner

: Présentation

Anna avait dit : "J'avais tout à demander à moi seule". Mais il était trop tard pour se retrouver. Elle voudrait se persuader qu'elle n'existe que par l'autre : "l'ami". Il y a les amis tous perdus qui circulent autour d'Anna comme par bravade. Ce sont les hommes d'Anna.
Il y a la petite fille qui est celle qui vit au milieu de tous et qui veut donner vérité.
Il y a la vieille dame. Elle est seule. La solitude n'est pas un poids. Elle aime à arroser ses plantes à longueur de jour.
Il y a le couple : figure esthétique de l'homme et de la femme pour qui s'aimer n'est ni un leurre ni une duperie. Et puis il y a l'homme à la valise qui pourrait être le seul à aimer Anna mais qui ne la rencontrera jamais.


Dominique Hubin




Ce rêve de la robe de mariée et d’un homme en habit noir. La mariée est ici dans un rocking-chair. L’image revient, rien ne s’accomplit.
Un voyageur debout, une valise, plusieurs fois. On doute s’il revient ou s’il part. Encore un rêve : celui du danseur élégant qui vient et vous entraîne dans une valse superbe. Mais il doit toujours revenir, recommencer à commencer. Il peut valser avec une autre. On se voit valser. On se voit trompée.
Petite fille maintenant, irradiante de maturité, d’intelligence. Seule parole parmi les adultes et d’ailleurs désirée – oh oui – par un adulte.
Une vieille femme, ses fleurs en pot qu’elle apporte, arrosées sempiternellement et qui s’ajoutent les unes aux autres, le pleur sur les fleurs (du mariage – manqué – des funérailles ?) ou pleurs sur ce bref éphémère qui n’en finit pas. Le mouchoir blanc, une larme essuyée.
Et la succession des hommes, des rencontres, des espoirs, des élans de désirs, des refus, des fuites, des rebuffades, de l’informe, insaisissable, raté, sans cesse, des envies amorcées – désamorcées, rejets, peurs, dérobades. L’humour comme une valse tranchante. Ça valse.
“Avoir froid comme irrémédiablement” assise en bleu à la place de la mariée. Se noyer.


Toutes ces images archétypales de nos mémoires, d’une mémoire de femme, sans ordre chronologique, et qui tournent, répétitives, rémanentes, récurrentes, identiques et différentes, écarts imperceptibles chaque fois, l’audace incroyable de la répétition, du ressassement jusqu’à l’exaspération, l’organisation de l’alternance, le rythme des retours, la maîtrise de leur enlacement, et croisant cette première alternance, l’alternance par ailleurs des dialogues (ironiques, minimaux, savoureux, terribles) et des images (elles-mêmes répétées, obsessionnelles).
La pièce se situe là, dans le temps que les pétales mettent à se détacher et à choir. Ça change sans changer, ça avance sans bouger. L’instantané se fait éternité. Le mouvement est immobile, le changement renvoie à l’identique.
L’espace apparemment divisé s’unifie, et rejoint le temps unique. Dans le froid sidéral, on n’entend presque rien mais les frôlements sont déchirants.
Le théâtre est dérouté.
Les images et les mots quittent le papier, appellent des corps, des voix, quelque chose qui fasse vibrer l’évanouissement, des formes qui sachent être et ne pas être à la fois, qui se chevauchent, qui captent, sans crier gare, de l’imprenable.


Claude Régy

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