: Le(s) texte(s)
Couple lifté au bord de la crise de nerfs
Le fil rouge de ce spectacle est l’histoire d’un couple fortuné, en convalescence dans la chambre d’un hôtel de luxe suite à une opération de chirurgie esthétique. Les heures d’attente et d’ennui les amèneront à évoquer leurs rêves d’enfants et l’absurdité de leur vie d’adulte.
Lui, la soixantaine, ancien ministre, aujourd’hui à la retraite anticipée. Grand amateur de citations - dont il abuse volontiers -, c’est un personnage bonhomme mais déprimé par la fin abrupte de sa carrière. Il se rappelle son enfance et se demande ce qui l’a mené là.
Elle, la cinquantaine gérascophobe et la ménopause, femme d’affaire aux dents longues qui n’est certainement pas étrangère aux déboires de son mari. Cruelle, hystérique, assoiffée de pouvoir, elle aimerait tant être aimée et pourtant ne peut s’empêcher de vouloir dominer les autres.
Confinés à leur chambre d’hôtel suite à un lifting révolutionnaire, ils doivent éviter à tout prix les rayons du soleil et toute tension des muscles du visage, ce qui gâcherait les résultats de l’opération: une véritable gageure compte tenu de leurs caractères...
Contrepoint
Comme dans le film culte japonais «Tampopo», cette intrigue principale est le prétexte d’un spectacle à thème, d’une mosaïque de situations, d’histoires, de monologues et de paraboles qui parlent toutes de la même chose: la confrontation entre les plus hautes aspirations de l’homme (l’immortalité, la jeunesse éternelle) et le ridicule auquel le conduit l’oubli de sa véritable condition d’être mortel et vieillissant.
Ces différentes histoires et interventions se mêlent ainsi à l’intrigue principale, l’interrompant, l’illustrant, lui faisant écho, en assumant complètement les associations douteuses, une certaine érudition et un manque de sérieux potache qui témoignent qu’on traite ici des sujets, du sujet le plus sérieux qui soit.
Une pièce baroque, à l’éclectisme dès lors assumé et qui entreprend de jouer sur plusieurs registres: savant et philosophique, lyrique et poétique ou encore populaire, voire vulgaire, pour traiter de ce sujet qu’on oublie si volontiers: la fin programmée et peu flatteuse de nos existences.
«Le célèbre docteur qui insère des testicules de singes dans les millionaires»
Lutter contre la vieillesse et la mort, c’est l’oeuvre de la vie du grand chirurgien Serge Voronoff, dont la biographie fournit le contrepoint principal à l’intigue du couple susmentionné. Auteur du traité « Etude sur la Vieillesse et le Rajeunissement par la greffe » (1926), Voronoff obtient un succès commercial phénoménal dans l’entre-deux-guerres en greffant au Gotha mondial des tissus de testicules de singes, censés, en stimulant la production d’hormones sexuelles, offrir à son récipiendaire une seconde jeunesse.
Connu pour sa belle plume, le célèbre docteur écrivait, non sans panache : « La vieillesse est souvent pire que la mort. Ce n’est donc pas contre la mort qu’il faut lutter, la mort qui viendrait doucement éteindre, après un siècle ou un siècle et demi, la flamme d’une longue vie, mais contre la vieillesse, contre la sénilité qui non seulement finissent par nous dégrader, mais abolissent toute résistance à la maladie et partant à la mort. »
Voronoff aura une vie fascinante: juif russe né à Voronèj en 1866, il devient un savant de renommée mondiale après ses études à Paris, puis il s’assure une immense fortune en épousant une riche héritière américaine. Dans l’entre-deuxguerres, c’est une célébrité mondiale et un personnage mondain remarqué et courtisé. Il s’offrira un palais à Grimaldi, près de Monaco, avec son propre élevage de singes pourvoyeurs de testicules, vendant à d’autres médecins la licence de sa «découverte». Malgré le discrédit jeté sur ses recherches après la Seconde guerre mondiale, il poursuivra son travail et ses publications jusqu’à sa mort à Lausanne, dans un palace, en 1951.
Tithon
Peur de la mort, lutte contre la mort. Mort pourtant désirée plus que tout par Tithon, l’humain amant de l’immortelle Aurore: c’est qu’en demandant à Zeus la vie éternelle pour son bien-aimé, cette dernière oublia, par une distraction digne d’une déesse, de demander par le même occasion la jeunesse éternelle, condamnant l’infortuné Tithon à vieillir sans fin.
Ce mythe, dont on ne peut s’empêcher de souligner l’actualité à l’époque de l’augmentation spectaculaire de l’espérance de vie, rappelle à propos que si l’homme craint la mort, il serait sans doute encore plus effrayé de vivre éternellement dans son état.
L’idée a été exploitée à de nombreuses reprises dans la littérature (Tennyson dans son poème «Tithonus», Aldous Huxley dans son roman After Many a Summer), la peinture (Lagrenée l’Aîné, Le Lever d’Aurore, etc.), la musique (Mondonville, Titon et l’Aurore, etc.), mais aussi dans une série TV populaire comme X-Files, dont l’un des épisodes, titré «Tithonius», relate l’histoire d’un homme qui cherche désespérément à mourir. Toutes ces références nourissent le texte de la pièce.
Paraboles, mythes et autres textes
Finalement, de nombreux autres textes, paraboles et mythes se sont greffés - c’est le cas de le dire - au texte: des paraboles issues de la sagesse antique ou de la mythologie, aussi bien occidentale qu’orientale (la fontaine de Jouvence, les Parques, etc.), des saynètes de théâtre pour enfants, et des textes divers, comme le puissant essai How We Die? du chirurgien américain Sherwin B. Nuland.
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