: La Pièce
La Forêt, Vert Presque Vert est une comédie cauchemardesque.
L’histoire de la forêt est en soi très simple.
Bien qu’émanant d’un plasticien à l’origine ce n’est pas une « installation qui bouge avec des personnages à l’intérieur » mais un objet
théâtral à tendance iconoclaste dont le médium principal est la parole des comédiens qui vient titiller l’imaginaire du public.
Les éléments fondamentaux de la scénographie résident dans le discours et l’imagination. Ce texte, en grande partie autobiographique,
fait part des pérégrinations de trois personnages au sein d’une forêt. Il s’agit d’un couple (A et B) qui est perdu dans une forêt. Ils tournent
en rond. Ils traversent des épreuves et se retrouvent dans des situations traditionnelles de l’imaginaire lié à la forêt (univers des contes,
des films d’horreur, de l’histoire de l’art, de la psychanalyse, etc…)
Une troisième personne (C) est présente. Elle apparaît ponctuellement, de manière onirique, comme la narratrice de leur aventures, porteuse
d’une parole analytique. Au fur et à mesure des éléments nous sont donnés sur ce qui s’est peut-être passé entre deux scènes. S’agit-il
de rêves, de cauchemars, de scénarii de film, de légendes, on ne sait pas vraiment. La vérité reste cantonnée dans ces situations absurdes
et dans le non-dit. C’est d’ailleurs ce non-dit que le texte cherche à mettre en lumière. On entend parler d’un ogre cannibale qui mange
une femme surgie d’on ne sait où, d’un oiseau bleu (celui de Maeterlinck ?) qui détiendrait tous les secrets enfouis au plus profond de
nous, d’une fée exaspérée par l’attitude désinvolte de A…
A est en proie au doute et se demande si cette forêt est réelle, est-ce une image virtuelle faite sur Photoshop, les sons que l’on entend
ne sont ils pas préenregistrés, ou bien encore ne seraient-ils pas dans une sorte de « purgatoire » ? B est en proie à des cauchemars
morbides qui lui font redouter le moment de s’endormir. Elle semble, d’ailleurs, plus intéressée par sa situation dans ses rêves que par le
fait de sortir réellement de la forêt. C nous raconte des histoires, nous parle de son oeuvre et tente de créer des ponts entre l’art et la vie.
Les scènes se succèdent comme des tableaux. On peut analyser la structure de la Forêt comme cela : « Un rêve à l’intérieur d’un autre
rêve, lui-même, à l’intérieur d’un autre rêve etc… »
Ce mécanisme remet donc systématiquement en question le statut de la narration. Une scène en chasse une autre, balayant ainsi la
réalité qu’avait installée la précédente.
On suit l’évolution de leurs sentiments au sein de l’élément vert. Il s’agit d’un environnement qui change successivement de forme et de
teneur selon les enjeux : tour à tour forêt de conte de fée, décor de film d’horreur, fond d’écran de jeu vidéo, emblème de l’histoire de
l’art, symbole psychanalytique, etc.…
Le principe de ce spectacle est de parler d’images mais d’en montrer très peu, de questionner ce qui se tapit dans l’ombre de la forêt.
Les comédiens décrivent leur ressenti pour stimuler l’imagination du public et faire naître une scénographie imaginaire au milieu d’un
plateau presque nu. La musique aussi, interprétée en live, se détache du simple bruitage et a une fonction d’interlocuteur suggestif, elle
ne vient à aucun moment illustrer de manière redondante le propos. Il n’y a pas de vidéo, il y a peu d’accessoires, mais, essentiellement,
la force évocatrice des mots et le texte porté par les comédiens pour créer et changer le décor. Bref, la technologie la plus pointue au
monde, celle d’un parent qui raconte une histoire pour accompagner en douceur vers le chemin du rêve… ou du cauchemar.
Ce jeu d’alternance entre les formes de jeu et de narration est à la fois la structure et la thématique du texte. C’est en soi un outil
dramaturgique car la forme de l’écriture participe au sens et au contenu des scènes.
Stéphane Arcas
Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné,
Je me connecte
–
Voir un exemple
–
Je m'abonne
Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.