Depuis longtemps l'idée me taraude d'écrire un texte qui dirait le tabou du Rexisme, qui dirait l'énigme de tous ces jeunes Wallons qui s'engagèrent sous l'uniforme nazi.
Depuis longtemps je rêve de rassembler sur scène des comédiens professionnels et des comédiens adolescents. Je souhaitais pour le texte un langage susceptible de dire l'indicible, de révéler l'invisible et quoi de plus "parlant", paradoxalement, qu'un langage qui instaure une distance poétique entre la trivialité du réel et les mots pour le dire ?
Je souhaitais pour la scène des images en contrepoint: les adultes incarnant les personnages de l'action, les ados donnant corps au choeur de tous les enfants morts à cause d'une idéologie dévoyée. L'histoire est vraie, au sens où le personnage principal - comme tous les enfants des Hitler et des Dutroux - a vu sa propre histoire bouffée par l'Histoire. L'histoire est vraie, parce que le Rexisme et la Légion Wallonie sont vrais: ils ont marqué l'histoire de la Wallonie, même si le silence et le tabou prévalent toujours et qu'on n'apprend pas cette Histoire-là dans les livres d'histoire.
Plus que jamais, dans une Europe qui voit resurgir ses vieux démons, il est vital de raconter l'histoire, la vraie, à nos enfants. Pour qu'ils se construisent une identité vraie Pour qu'ils comprennent où mènent les démons Pour que "plus jamais ça"...
Il s'agit d'une pièce anti-naturaliste, même si la vidéo renverra à la réalité de l'Histoire et de l'actualité, car pour être entendus, certains mots ont besoin du "choc" des images. L'esthétisation chorégraphique du choeur participe à ce travail anti-naturaliste. Et pourtant, l'émotion suscitée par les images d'empilement, d'entassement... des corps n'en est que plus forte.

Colette Régibeau